Et si l’artisanat était le futur du travail ? C’est du moins ce qu’avance Laëtitia Vitaud dans son livre. Résumé en article
aliénation et douleur
« Dans son travail, l'ouvrier ne s'affirme pas, mais se nie, ne se sent pas à l'aise, mais malheureux ; il n'y déploie pas une libre activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. En conséquence, l'ouvrier ne se sent lui-même qu'en dehors du travail et dans le travail il se sent extérieur à lui-même » Cette phrase, te dit quelque chose ? Peut-être l'a-tu lue au détour d'un entraînement théorique autour de la vision Marxiste du travail. Car oui, c'est bien de lui que nous vient ce constat.
Fun fact qui n'en est pas vraiment un. Étymologiquement, « travail » nous vient du latin tripalium. Si l'on ne connaît pas sa définition exacte, on sait en revanche que ce terme désignait un outil de torture. Depuis, nombreux sont les papiers sur le sujet du travail qui reprennent cette origine pour éclaircir (un peu hâtivement parfois) notre relation au monde professionnel. C'est un peu, aussi, ce que Marx nous dit dans son ouvrage Le capital. Le monde du travail est un combat social qui aliène les travailleur·ses.
C'est aussi ces dynamiques qu'explore dans son livre Du labeur à l'ouvrage, Laëtitia Vitaud. Elle y interroge le rapport que l'on entretient au travail aujourd'hui.
une crise dans le grand bain
Dans le livre, Laëtitia revient sur la crise de l'engagement (que l'on a exploré ici) et reprend les chiffres alarmants partagés par Gallup.
Aujourd'hui, pas moins de 85% personnes sont désengagées dans leur travail.
Ces chiffres datent de 2013 puis 2017, preuve étant que la tendance de fond est à la remise en question. Pour Laëtitia, cette crise de l'engagement divise. D'un côté se situent celles et ceux qui, aliéné·es par leur emploi n'attendent que le soir / les week ends pour ôter le masque de plongée professionnel. De l'autre, les nageur·ses passionné·es par leur travail(-passion), bénéficiant certes d'un privilège (supposé) d'authenticité au travail, mais souffrant en revanche d'un manque de reconnaissance social. En exemple, les femmes au foyer ou bien les métiers du care, sous-valorisés socialement et financièrement.
une ligne de nage qui se redessinne
Pourtant, entre les vagues, un nouvel avenir du travail semble se dessiner pour les nageur·ses désabusé·es.
L'apparition des congés payés au XXème siècle, le vote des lois Jospin sur les 35h ont participé à faire évoluer nos préoccupations professionnelles. D'un focus sur le temps travaillé, nous avons pu élargir nos besoins et donc, les revendications.
En témoignent notamment l'apparition du mouvement freelance, l'ouverture (encore timide) du débat sur la flexibilité et sa régularisation. Mais encore, l'amorce progressive d'une transformation culturelle dans les entreprises – qui sentent un besoin croissant de la part de leurs employé·es – concernant l'équilibre, l'engagement, les valeurs. Les progrès en dents de (requin) scie sur ces sujets de fond, accélérés aujourd'hui par le COVID laissent apparaître de nouveaux horizons du travail.
Couplées à ces interrogations, en émergent d'autres relatives à la distribution de biens et services. Et si le futur était dans les métiers de proximité ? (infirmier·e, commerçant·e, enseignant·es...) Comment les valoriser ? Rendre leur formation plus attractive et adaptée à notre monde en évolution ?
construire
« Du labeur à l'ouvrage : c'est le parcours que souhaite faire chaque travailleur »
D'un·e employé·e aliéné·e comme le disait Marx, l'on peut espérer voir émerger de nouveaux modèles, plus artisanaux. De nouvelles professions, de nouveaux rapports à la réussite ou l'épanouissement, orientés sur le faire et non plus sur le paraître. (Car, entendons-nous, un babyfoot ne fait pas le flex.)
Le sens est partout – comme le sel sur nos habits après une baignade – il ne tient donc qu'à nous de le chercher / créer.
Vouloir construire (son emploi, sa ligne de nage et donc son futur), c'est aussi reprendre les clefs. Sortir des sentiers battus pour ré-inventer un demain plus agile qu'hier. Et façonner, c'est finalement cela l'artisanat.