Avec Our Millennials Today, on part à la rencontre d’étudiant·es et jeunes diplômé·es qui se sont jeté·es dans le grand bain du travail. On parle aussi éducation et orientation scolaire dans les Grandes Écoles. Athlète confirmé·e ou newbie en brassard, bienvenue 🎣
🐟 Avant le plongeon
« Le mieux dans la reprise c’est les courbatures » said no one ever - again
Hola ! De retour pour quelques longueurs ? Ça tombe bien, tes brassards sont sur le bord du bassin, tu les trouveras rangés à leur place habituelle. Comme je suis encore dans une dynamique de rentrée – point trop n’en faut pour éviter la blessure de reprise –, le programme d’aujourd’hui sera assez light. Ma rentrée actuelle consistant en mon intégration dans le startup-nation club, j’ai donc tout naturellement choisi ce thème pour l’édition du jour. L’entretien a été puisé avec amour et sportivité (plus l’un que l’autre je le reconnais mais sauras-tu déterminer lequel ?) dans les archives du projet. Comme toute histoire, le point de vue exposé par la personne ici est tout à fait subjectif et découle d’une expérience individuelle. Je te laisse me dire post-lecture quels sont tes tips pour différencier le bon startupper du mauvais.
Après un (très) court échauffement, on passera directement à la partie témoignages pour y parler startup, expérience en conseil et reconversion avortée.
Bonne lecture 🏊♀️
👋 On recrute des nouveaux nageurs. Tu veux rejoindre la team ? c’est par ici👇
« Il y a un problème de productivité. Selon une étude de l'INSEE de 2016, 90 % des start-up ne passent pas le cap des 5 ans. Et parmi les 25 % des jeunes pousses de la French Tech qui ont levé des fonds, 74 % sont déficitaires […]. C'est une chance incroyable d'avoir des gens qui mettent de l'argent dans l'innovation, mais ce système a dévié » Nicolas Menet pour Les Échos Business
Cela fait désormais quelques années que je m’intéresse à l’entrepreneuriat. Que ce soit par le biais de l’école ou de la presse, j’ai été assez marquée par la culture prédominante (ou plutôt la glorification) de la levée de fonds. Point de brasse ou de bouée dans ce domaine. On y parle licorne, K€ et scaling up. À l’image de l’animal, la licorne est aussi rare que courue. Pourtant, en devenir une semble être THE (sinon le seul) objectif des néo-entrepreneurs. Peu importe d’ailleurs que la solution développée ait une utilité ou non tant qu’elle fait l’unanimité des bourses.
« Il est communément admis qu’une licorne désigne une startup non cotée, valorisée au moins un milliard de dollars par ses actionnaires privés et parfois publics, lors d’un énième tour de table » Définition d’une licorne par Michel Nizon sur Maddyness
Si quelques structures aiment à rappeler l’importance de la pérennité du modèle créé VS. son potentiel de levée, elles ne font pas légion. Et comment gérer cette “levée” qui repose à la fois sur un pitch de solution plus ou moins développé, une équipe (solide de préférence), et des projections… qui ne restent pour l’instant que fictives ?
Tu t’en doutes peut-être, je n’ai moi-même pas la réponse à cette question. J’ai été voir quelques millennials nageant dans ces eaux opaques qui m’ont expliqué les enjeux de tels investissements. Deux histoires en particulier m’ont frappée. La première est courte. Le·La millennial en question m’a partagé les difficultés qu’éprouvaient son entreprise à se structurer post-investissement. Il paraissait y avoir en effet un monde entre les objectifs de la solution vendue à horizon 5 ans VS. le développement actuel de celle-ci, encore au stade de recherche et prototypage.
« On était une équipe entière de business developper à vendre une solution qui n’existerait pas avant 2 ans minimum »
Passer d’une petite équipe à une cohorte conséquente a des implications fortes sur le management, la division des tâches et leur suivi, bref, sur l’organisation interne en général. Gérer la transition et ré-apprendre à fédérer une équipe qui a doublé/triplé/quadruplé (rayer la mention inutile) de volume prend du temps et nécessite formation comme expérience ; ce que n’ont pas forcément fondateurs·rices au vu de la croissance rapide qui leur est imposée.
La deuxième histoire que je voulais partager est notre désormais (semi-)traditionnelle rencontre au bord de l’eau. La conversation est éclectique, mais son point de départ était « quelle ambiance au travail pré-levée de fonds ?». On y parle tant investissement financier qu’humain. Enjoy 🙆
PS : je vais sûrement consacrer une édition à la question de l’enseignement de l’entrepreneuriat. Si tu as des ressources à me conseiller d’ici là, ou que tu veux jaser, envoie moi un petit message
« Si eux n’y arrivent pas, pourquoi ce serait différent pour toi ? »
Leeeet’s go! N’hésite pas à te mettre à l’aise avant de lire ce qui suit. Étends tes jambes, sors ton goûter et tes lunettes (de soleil) ; moi, je vais m’allonger ! L’athlète du jour fait partie de ce fameux club des indécis·es dont on a eu l’occasion de parler rapidement ici. Ce café a eu lieu au terme de la (courte) expérience en startup de cette personne, avant sa “reconversion” post-études en conseil. J’étais curieuse d’avoir son avis (extérieur) sur ce milieu dans lequel j’évolue depuis maintenant plusieurs années.
🐚 Game on
Hello ! Merci d’avoir répondu à l’appel pour un petit café-orientation. Tu peux m’en dire plus sur ton parcours ?
Avec plaisir, je te préviens : il est assez peu original. Comme beaucoup j’ai fait une prépa avant de terminer – comme beaucoup – en école de commerce. Comme je n’avais pas un attrait particulier pour les chiffres, je me suis d’abord destiné·e à travailler dans le domaine culturel avec un rapide passage en startup. Ce n’est après que j’ai repris un chemin disons plus… classique – le conseil tu connais [rires].
Disons que ma dyscalculie profonde me tient éloignée de ce même destin, mais j’entends [rires]. Est-ce que tu pourrais m’en dire plus sur la manière dont ce qui t’a amené·e à travailler en startup ? Les sirènes du domaine de l’innovation ont fini par t’avoir ?
Pas du tout ! Même si j’ai beaucoup d’amis qui sont tournés entrepreneuriat comme toi, je me situais plutôt à l’opposée. La startup life ne me faisait pas rêver. Pour être honnête, mon objectif en entrant en école était de m’orienter dans le secteur culturel. Bizarrement, c’est cette envie qui m’a conduit·e en startup puis en conseil. Ma première expérience professionnelle était en édition dans une entreprise assez traditionnelle. C’est de là que m’est venue l’envie de voir comment une startup pouvait pouvait espérer se faire une place dans un domaine aussi fermé.
Et donc comment s’est passée cette fameuse expérience ?
Et bien…je ne peux pas dire que je détestais mon taf. Seulement sa culture que je trouvais assez malsaine en y repensant bien. Par contre, j’adorais mes collègues. On a beau dire, ça fait du bien de se retrouver avec des gens aux parcours similaires au mien. La majorité étaient des Normaliens, Sciencepistes ou en école de commerce. Tout le monde était super curieux. S’il n’y avait eu qu’eux, je crois que je serais resté·e !
Plus ça allait plus on me donnait de grosses responsabilités. J’ai fini par gérer un projet entier comme la personne qui s’en occupait avait démissionné. J’étais totalement sous-payé·e par rapport à la charge de travail fournie. J’aurais carrément pu demander plus. Ou j’aurais peut-être dû partir en refusant toutes ces conditions. J’ai pas osé, j’ai serré les dents pour le cv et pour la bonne cause.
J’ai eu droit à la tirade sur l’investissement, tu sais la fameuse :
« On a besoin de voir que tu t’appropries le projet. Qu’il te tient à coeur autant qu’à nous. »
C’était assez ridicule et profondément paradoxal parce que j’ai justement rejoint l’entreprise pour le projet. Après, ce n’est pas le mien donc je ne vois pas pourquoi je serais allé·e m’épuiser pour lui. Je n’étais pas prêt·e à renoncer à ma vie pour ça.
Une des choses qui aurait dû me mettre la puce à l’oreille dès le début était le taux de turnover. Mais tu n’y fais pas attention, surtout en arrivant. Ma boss passait son temps à me dire qu’elle allait partir…. et m’a annoncé un jour qu’elle quittait l’entreprise le lendemain. Aucun stage n’était transformé en CDI. On nous le faisait miroiter mais beaucoup enchaînaient les CDD, c’était pas très Charlie [rires].
Cerise sur le gâteau : à la fin de mon stage on m’a proposé de rester en tant que “bras droit du CEO”… en CDD. La définition même de l’exploitation. J’ai dit non, j’allais - enfin - être diplômé·e, je n’étais pas à la recherche d’un énième stage, quand bien même le CDI m’attendait-il « si on arrive à lever ».
Tu regrettes ne pas être resté·e ?
Pour être honnête, oui. Des fois je me demande ce qui se serait passé si j’avais choisi de jouer le jeu de la startup. Si j’avais accepté de continuer à travailler sur des tâches qui n’étaient pas les miennes, avec un salaire dérisoire au profit “du projet”. L’entreprise a réussi à lever énormément de fonds après mon départ. Ce qui veut dire qu’ils auraient pu m’embaucher. Après, la vraie question étant : l’auraient-ils vraiment fait ? Connaissant mon équipe de direction je n’en suis même pas certain·e. Je reconnais que je n’ai pas été emballé·e par ce que j’ai vu de la culture startup.
En fait j’ai eu la mauvaise impression qu’elle reposait en partie sur l’identification des forces des personnes et leur exploitation... Tout en jouant sur nos faiblesses émotionnelles. Le ton faussement amical et transparent y a beaucoup fait pour moi. Ça devenait difficile de faire la part des choses.
En t’écoutant je me dis qu’en fait une culture d’entreprise saine est essentielle pour bien travailler. Ça doit être très lié au climat créé par les fondateurs / les leaders comme tu avais l’air d’apprécier ton environnement de travail “direct”. Est-ce que je peux te demande ce que tu as fait après ?
Bien sûr [rires] Une fois cette expérience terminée, je ne savais pas dans quel domaine m’orienter. Donc j’ai fait des démarches… pour rejoindre une startup ! Moi qui m’étais juré·e que ça ne recommencerait pas. Je me demande encore quelle tête mon ancien·ne boss a pu faire quand on l’a contacté·e pour avoir un retour sur mon travail [rires]. Surtout que je lui avais dit quitter le monde startup pour plus de stabilité.
C’est ce besoin de stabilité qui m’a poussé·e à aller dans le conseil. Je me disais aussi que ça me permettrait d’apprendre de nouvelles choses – et exercer ma rigueur.
Quel revirement ! Mais je comprends tout à fait. On est beaucoup à penser à considérer cette voie en sortie d’étude. Ça recrute bien, on a des missions a priori variées, et on retrouve souvent des gens qu’on connait. C’est un peu l’évolution Pokémon de l’école de commerce. Ça rassure mine de rien. Ça t’a plu ?
Pour être franc·he… pas trop. Mais je pense que c’est une question de missions plus qu’autre chose. J’ai eu beaucoup de chance, mon cabinet était assez bienveillant. Je pense que d’une certaine manière on reconnaissait ma valeur comme je ne me suis pas fait·e virer salement après 3 mois comme d’autres. C’est “juste” que je ne faisait pas l’affaire.
J’ai dû travailler sur une mission horrible. Tant côté mission que client. Vraiment pas pour moi, mais j’ai serré les dents encore une fois. Une fois terminée, j’ai senti que ça n’allait pas trop dans mon sens : je n’ai été staffé·e* nulle part ailleurs. J’osais pas trop aller voir mon manager, et un jour j’ai été appelé·e pour un entretien. Un peu sur le mode “il faut qu’on parle”. On savait tous les deux ce qui allait s’y dire. Ça n’a pas raté : on m’a “proposé” de me remercier avec un sursis de 3 mois pour que je puisse trouver autre chose.
« On te mettra notre réseau à disposition »
On m’a même fait passer des tests de personnalité, ce qui a apparemment confirmé que mon profil n’était pas fait pour le conseil.
C’est drôle, je ne pensais pas qu’il y avait un profil-type identifié pour réussir dans ce milieu. Ça fait limite peur de se dire qu’on peut nous mettre aussi vite dans une case. Je suis curieuse, as-tu choisi de rester dans le conseil ou en as-tu profité pour creuser d’autres pistes ?
J’avais besoin de me tester en revenant vers ce qui me passionnait plus jeune. Mais ça n’a pas marché. Ça a été dur à accepter mais j’ai compris que je n’étais plus la même personne qu’a l’entrée en école. Mon niveau de culture G avait chuté faute d’entretien. C’est un choix comme un autre, mais ça m’a fermé des portes. Je peux toujours me remettre à étudier de nouveau, mais en ai-je seulement le courage ?
Qui plus est, le domaine éditorial ne voit pas d’un très bon oeil les “dissidents” comme moi. Et j’avais encore du mal à assumer le fait de m’être dirigé·e vers le conseil par souci de stabilité. J’en avais besoin à ce moment et ça m’a effectivement servi. Mais comme je n’étais pas à l’aise moi-même avec cette décision, je ne pouvais pas argumenter en ma faveur. Je me suis cramé·e. Au moins j’aurais tenté. Ces “échecs” m’auront fait regarder le monde du travail différemment. Tu sais, quelques fois je vois mes amis brillants qui galèrent et je me dis “si eux n’y arrivent pas, pourquoi ce serait différent pour toi ?” C’est tout sauf rassurant.
J’envie souvent les ingénieurs. Leur parcours a l’air si simple ! Tu arrives en école, tu te spécialises, tu fais des stages sur le terrain pour apprendre. Quand tu ressors tu as un vrai bagage ! Alors que pour nous tout est très flou. J’ai l’impression de n’avoir aucune compétence “dure” sur laquelle m’appuyer.
En voyant les mois défiler j’ai paniqué et… je suis retourné·e vers le milieu que j’avais quitté : le conseil. MAIS comme je savais à quoi m’en tenir, j’ai décidé de bien choisir le cabinet cette fois. J’ai mis de côté la renommée pour me concentrer sur les missions et à la culture d’entreprise. Pari gagné.
Et comment s’est passée la crise ? Ton opinion n’a pas trop changée ?
Figure toi que le COVID 19 a confirmé ce que je pensais ! Ce sont des bisounours, mais dans le bon sens du terme : bienveillants. Nos managers ont fait très attention à notre santé mentale et nous ont soutenu pendant toute la période de crise. C’est assez rare dans ce milieu, c’est ce qui a vraiment témoigné de la visée “humaniste” du projet à mes yeux.
Après, je ne suis pas sûr·e d’y rester longtemps. J’ai commencé à me rapprocher de différents acteurs de l’éducation via mes missions. Je réfléchis à m’engager avec Le choix de l’École depuis plusieurs mois déjà, ça me permet de penser à ma reconversion de l’intérieur. C’est parfait !
Merci beaucoup pour ce partage c’est génial ! Une dernière question pour la route : tu voulais faire quoi plus jeune ?
Je voulais devenir écrivain·e. Ceci dit ça n’a jamais trop changé. J’ai récemment pu reprendre cette activité que j’adore. C’est vraiment quelque chose que j’ai envie de cultiver dans les années à venir. Je ne sais pas encore comment je vais pouvoir concilier ça avec ma vie professionnelle, mais j’ai le temps d’y réfléchir.
Comme quoi, on revient souvent à nos amours de jeunesse. All the best, tiens moi au courant de la suite et à bientôt !
🐚 Mic off
*Terme utilisé qui signifie être assigné·e à une mission particulière
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🛠 Quelques ressources avant de se quitter
👉 Le livre (que je n’ai pas encore lu) de Benjamin Zimmer et Nicolas Menet sur la culture de la levée de fonds à tout prix : Start-up, arrêtons la mascarade - Contribuer vraiment à l'économie de demain: Contribuer vraiment à l'économie de demain
👉 La newsletter et le podcast de Baby vc si les questions d’investissement en entrepreneuriat t’intriguent
👉 Le media Maddyness, pour faire sa veille sur le domaine entrepreneurial
👉 Un court test pour savoir s’il est temps de penser à la démission pour aller élever des chèvres dans le Larzac
👉 Le collectif Pose ta Dem’ pour t’aider à passer le pas de la reconversion
👉 Le fabuleux podcast Pourquoi pas moi pour s’inspirer des reconversions des autres
👉 Tu peux retrouver toutes ces ressources sur La toolbox de l’orientation que j’utilise pour m’aider à m’orienter dans la vie